La rue peut être impitoyable...
Lendemain de maraude, je réfléchis au compte rendu de ce soir.
Cette maraude était malaisante comme dirait ma fille.
Ce matin, je ne sais pas comment vous en parler.
Toute cette violence à laquelle on peut être confronté certains samedis est difficile à encaisser.
La maraude d’hier est certainement une des plus dure que j’ai faite.
L’univers de la rue est rude. On peut y trouver une certaine solidarité, l’envie de partager mais tout son contraire également.
Beaucoup sont en mode survie.
Lorsque je croise une nouvelle femme en maraude, une de mes premières questions est de lui demander si elle est seule ou accompagnée.
Je crois que c’est une des rares occasions où il vaut mieux être mal accompagnée que seule.
On connait V. depuis un moment. On sait qu’elle va mal, très mal. On sait qu’elle se fait beaucoup d’ennemis dans la rue. Dans la nuit de vendredi, elle s’est retrouvée seule et au mauvais endroit…
Le temps était maussade samedi, les bénéficiaires de mauvaises humeurs. Pas contre nous bien sûr. Il y toujours un mot gentil pour nous : « vous êtes notre soleil et avec toute cette pluie aujourd’hui, c’est sûr on va avoir un arc en ciel ».
Des paroles qui nous permettent de garder le sourire.
Mais je sens les tensions sur les visages des bénévoles même si Sophie, Tatie et Morgane, qui sont près de moi, servent les copains avec enthousiasme et quelques mots d’humour.
Je vois Valérie qui s’affaire à distribuer le café. Aujourd’hui les gars ont besoin de se réchauffer pour lutter contre l’humidité.
Marc distribue des vêtements et avec ce changement de temps, on lui redemande des pulls.
La tension monte, les menaces pleuvent entre bénéficiaires.
Gema est obligée de recadrer une des filles en lui disant que certains gestes sont à proscrire et d’autant plus lorsque nous sommes en maraude.
Colère, peur, tristesse, détresse autant d’émotions auxquelles nous devons faire face au square de la Croix rouge.
Je suis heureuse de voir S. arriver. Je lui demande de nous offrir son plus beau sourire pour nous redonner la pêche! Il nous fait une belle grimace… mission accomplie. Je lui demande des nouvelles de B. que nous n’avons pas vu depuis un moment. Il nous rassure en nous disant qu’il va très bien.
Il est temps de repartir de notre abri de fortune, direction Chez Frantz.
La pluie n’aura pas raison de son sourire. Sa bonne humeur nous redonne de l’énergie. On peut se diriger vers le square de l’évêché le coeur un peu moins lourd.
Merci Frantz et encore une fois « bon anniversaire »!
A l’évêché, il pleut bien trop. Nous allons du côté de l’église en espérant que notre petit monde nous retrouvera. Ils arrivent tous au compte-gouttes mais Sophie aura distribué 45 repas quand même.
Dans notre asso on aime plaisanter, vanner, se moquer, que ce soit entre nous mais aussi avec les bénéficiaires. Ils l’ont compris depuis longtemps et eux aussi ne se gênent plus.
La maraude se terminera avec plus de légèreté et de gaieté. Celle à laquelle nous tenons et qui nous permet de garder l’envie et le plaisir de revenir.
Un grand merci à tous les bénévoles qui ont permis à l’asso de remplir sa mission du samedi… à savoir : Oualida, Jessica, Sophie, Marc, Tatie, Morgane, Gema, Valérie.
Bonne semaine les colibris.
