Beaucoup de questions...
Cette semaine il me revient de faire le compte rendu de maraude.
J’y réfléchis depuis hier. Je vous avoue que j’ai longtemps séché.
Cela fait quelques maraudes où je n’arrive plus à trouver ma place.
Après 5 ans à sillonner les rues avec mes camarades bénévoles, j’ai eu du mal à comprendre.
J’ai eu une discussion avec Tatie. Nous nous sommes rendus compte que nous ne voyions plus nos anciens bénéficiaires. On passe moins de temps à discuter.
Les nouveaux qui arrivent ont surtout besoin de manger.
En rentrant, j’ai eu une autre discussion avec un ami qui m’a dit « tu t’attaches trop ». Cette petite phrase m’a fait réfléchir. Il a peut-être raison.
Je me suis rendue compte que Baudoin, Sly, Germaine, Denis , Stephane, David, Manu, Etienne, Gregory, Jonathan, Elodie, Vincent… étaient entrés dans ma vie et en sont ressortis, parfois, sans même un au revoir…
Je travaille auprès de jeunes enfants. On parle souvent théorie de l’attachement, de bonne distance dans nos relations avec les enfants.
C’est quoi la bonne distance à prendre avec nos bénéficiaires?
Avec ceux qui ont été jetés à la rue après un parcours à l’ASE?
Avec ceux dont les parents ne voulaient plus.
Ceux qui ont tout perdu après une séparation, un accident ou à cause de la pandémie?
C’est quoi la bonne distance avec cette mamie de plus de 80 ans qui venait tous les samedis faire ses courses à l’épicerie des suspendus?
Personnellement je ne me suis jamais posée la question. C’est peut-être un tort.
Je revois les sourires de S et B le jour où je leur ai dit qu’ils m’avaient manqués à un retour de vacances.
Je pense que chaque bénévole fait comme il le sent. Il n’y a pas de règle.
Mais je dirai que d’une façon générale, nous sommes tous très ouverts et avons la capacité d’écouter sans juger.
Pour ma part, je ne joue pas de rôle. Je ne suis pas assistante sociale, ni juge, ni avocate. Je suis Aurélie qui vient comme elle est dans la vie de tous les jours.
Si nous pouvons prêter une oreille attentive sans condition et leur dire que nous serons toujours là, c’est peu mais peut-être suffisant pour retrouver un peu d’estime de soi.
Des encouragements, des félicitations pour leurs petites réussites.
Leur dire qu’ils sont capables, qu’ils peuvent y arriver ou les engueuler quand ils font une connerie.
Mais ça reste difficile d’accompagner quand on voit des personnes une fois par semaine voire toutes les deux semaines.
On aimerait toujours faire plus mais ce n’est pas possible.
On m’a appris que la bonne distance c’est accompagner sans s’attacher. Et puis j’ai commencé à exercer… Nous ne sommes pas des robots.
Je me suis attachée à David qui est parti mais qui a continué pendant 2 ans à me téléphoner pour me donner des nouvelles.
Je me suis attachée à Manu qui est devenu agent de sécurité et qui lui aussi a continué à m’envoyer des messages pendant un certain temps.
Ils avaient dû s’attacher aussi.
Je m’étais attachée à Denis et je suis allée à ses obsèques.
Pour d’autres, je ne sais pas ce qu’ils sont devenus.
J’ai croisé ces personnes qui avaient toutes le même point commun, une vie cabossée.
C’est important de savoir que l’on compte pour quelqu’un.
Je pense qu’ils l’avaient compris.
Si j’ai pu les aider un peu de cette façon alors, j’en suis heureuse.
Je m’attache peut-être trop mais je pense que demain je recommencerai.
La maraude de samedi s’est très bien déroulée grâce à :
– Aurélie qui, avec son papa, avaient préparé un bon repas : poulet, carottes vichy et riz
– Sandra qui avait cuit les oeufs
– Le secours populaire qui nous a donné une quantité importante de produits frais
– Estelle qui était passée au petit Casino de Poisy chercher les invendus
– Tatie, Marc, Pierre, Mike, Souraya, Estelle qui sont partis en maraude.
Un grand merci à tout ce petit monde et à Marie qui a distribué les sacs aux familles.
Le dernier grand merci revient à Sandrine et Nicolas qui nous ont donné plus de 400 oeufs frais de leur ferme Arc en ciel. Ces oeufs nous serviront bien sûr pour les maraudes mais seront aussi redistribués aux familles que nous aidons.
Nous avons rencontré encore une bonne cinquantaine de personnes.
Pierre a excellé dans le service, aidé d’Estelle.
Mike, ami de Souraya, nouveau en maraude, a parfaitement trouvé sa place.
Marc a joué les acrobates en allant récupérer le ballon de M…
Tatie avait sa mauvaise mais très joviale bonne humeur habituelle. Celle bien connue de nos bénéficiaires qui ne savent pas toujours sur quel pied danser!
Bonne semaine les colibris.